05 avril 2017

03-04-17 Un bon film? (Hors-série#3)



Je veux le dire d'emblée: oui, on a le droit d'aimer Ghost in the shell, l'adaptation hollywoodienne en film qui vient tout juste de sortir, et oui, on a le droit d'aimer  le dernier
Starwars: Rogue One.
J'en aperçois déjà, au loin qui s'arrachent les cheveux tandis que d'autres applaudissent.
Oui, on a le droit d'aimer ces films, un exemple comme tant d'autre, et j'ajouterais même qu'on a le droit d'en parler, d'y réfléchir, et pour les plus téméraire de ceux-là, d'en faire une vidéo VLOG comme le Youtuber Durandal peux le faire régulièrement.
Oui, on a le droit. Tout comme, d'un autre côté, on a le droit de ne pas aimer, ni ces films ni même ce qui peut en être dit dans ces VLOG critiques et qui essayent ponctuellement de théoriser, de façon maladroite et souvent laborieuse, la réussite ou l'échec dans la fabrication d'un spectacle cinématographique.


En  effet, et vous l'aurez compris, le sujet qui m'anime aujourd'hui est éminemment brouillon et épineux. C'est un sujet problématique, polémique. C'est une questions fréquemment posée mais sans réel réponse. C'est un débat qui fait rage entre deux termes, ceux qu'on traitent "d'intellectuel" et ceux qui revendiquent le "cerveau débranché".

Qu'est ce qu'un bon film?

Tous les protagonistes de ce débat sont dans une posture embusquée, attendant chaque proclamation d'un camps comme de l'autre, s'en méfiant, n'y trouvant que défiance et violente provocation. A l'heure d'internet, la guerre des mots s'intensifie, toutes les strates sociales participant à ce combat ont leur petite phrase, leur avis bien tranché. On se regroupe, s'identifie, s'oppose, se communautarise en quelque somme. Mais qu'en est-il réellement de l'état contemporain du cinéma. Je veux dire: qu'est ce qui fait qu'on peut se réjouir ou non du succès de tel ou tel film, ou tout simplement que tel autre film existe sans avoir à casser la baraque.

Et bien, il existe énormément d’éléments de réponse. Et je vais tenter d'en apporter quelques une pour porter ma propre pierre à l'édifice, en priant pour que la-dites édifice soit une auberge plutôt qu'un sanctuaire, un mur ou une église.

Qu'est-ce qu'un bon film, d'accord, mais surtout, qu'est ce qu'un film? qu'est ce que ça veut dire "être spectateur"? Sommes-nous encore des "cinéphiles"? Mais par-dessus tout: qu'est ce que le cinéma? 

Pour être tout à fait honnête, mon engagement dans cette interrogation ("qu'est ce qu'un bon film") est quotidien, silencieux. Dramatiquement, c'est presque un engagement religieux, incessant, me faisant régulièrement m'interroger sur la pertinence de tel ou tel film, réfléchissant longuement, intérieurement à ce qui fait sens, et parfois même à l'absence de cohérence ou de signification dans une vie de cinéphile contemporain. Souvent, je me pose cette question: à quoi ça sert les films? faut-il franchement tout intellectualiser, Fast and Furious y compris? faut-il absolument que je m'arrête sur chaque détails, chaque problème, chaque film ne correspondant pas à telle ou telle vision que je considérerais comme étant la plus juste? Ai-je le droit de critiquer, "descendre" ce que je considère comme un "mauvais film" au détriment du débat avec ceux qui, justement, l'aime.

Le point de départ de tout cela, cette polémique, elle a eu d'abord lieu sur internet, à travers un réseau social (Facebook) et auprès de deux amis chers à mon cœur et avec qui je n'ai plus trop l'occasion de discuter, échanger autrement que par ce biais-là, faute à mon isolement géographique dans le centre de la France. 

Il y a un petit moment déjà, un premier amis m'interpellais sur la qualité intrinsèque de mes propres VLOG critiques, qualifiant mon discours d'élitiste et mon vocabulaire trop universitaire pour être, justement, universel. 


 "Comme à chacune de tes vidéos, mon attention est happée par les gifs animés qui saturent le cadre en se déplaçant de la droite vers la gauche ou de haut en bas... Ce qui fait que je n'écoute pas les critiques dont le ton et le langage universitaires ne sont pas accessibles à tous... Dommage"

Je n'ai pas été vexé, ou déçu, bien au contraire. J'ai même été content d'avoir un retour sur mes petites critiques vidéos sans prétention et de pouvoir comprendre ce qui n'allait pas pour le changer, ou l'améliorer. En revanche, j'avais du mal à comprendre la critique sur "le langage universitaire". Je suis justement en rupture avec l'université, que j'ai quitté il y a presque dix an. J'y ai été dédaigné parce que je présentais un projet d'écriture sur l’œuvre de Jodorowsky avec les mots: cinéma, métaphysique.Deux ans plus tard, je me retrouvais à l'avant première d'une copie remastérisée de La montagne sacrée, en présence du réalisateur, et constatant l'euphorie général que provoquait la redécouverte de ses films.

Peut être que mes propos dans mes VLOG sont élitistes: je le concède. Mais universitaire, je l'avoue, j'ai eu plus de mal à accepter cette critique. J'ai donc ruminé et essayé de proposer quelque chose de plus simple, malgré mes réticences à le faire.

Plus récemment, un autre ami m'interrogeais avec véhémence sur cette même question.

"Mikael, sans vouloir vexer personne : que sont de bons films pour vous (toi et ton entourage fan de cinéma) ? À vous lire RIEN n'est bon !! Tout est naze et à jeter à la poubelle, absolument rien n'est réussit au point de dégoûter les gens qui vous lisent de continuer à aller au cinéma...
C'est peut-être ça au final, le but recherché j'me dit"

Pour remettre ce message dans le contexte, il fait suite à une publication sur mon mur dans laquelle je m'indigne des propos du youtuber Durandal, justement, à propos du Ghost in the Shell version live et américanisée. Rapidement, les commentaires débordent et troll de façon éhontée le Youtuber, le film en question et même un autre film incriminé sans rapport apparent, à savoir le Star wars: Rogue One.

La réaction de mon bon ami m'est allé droit au cœur et ne cesse de me préoccuper depuis que j'ai lu sa publication sur mon mur. J'ai essayé d'y répondre avec sang froid, en relativisant mes propos, en nuançant par-ci, par-là, invoquant d'autres films qui viennent de sortir et auxquels j'avais trouvé des points très positifs, mais évoquant aussi mes déceptions. J'ai essayé d'y répondre avec le cœur mais plus je relisais son intervention, plus je me sentais mal et déprimant. Je sentais bien que mon ami avait été blessé, ostracisé par nos putains de ricanement et notre foutue ironie de joyeux luron.

Cette polémique, qui revient à deux reprises et issue d'amis aussi différents qu'inconnus l'un de l'autre, à finit par me fendre le cœur. En vérité, et depuis leur intervention respective, je me couche le soir et me lève le matin, tous mes jours, avec cette interrogation dans la tête: qu'est ce qu'un bon film? Comment en parler? Comment transmettre verbalement la recette qui donne, selon moi, une expérience de cinéma appréciable ou inoubliable? Souvent, je m'interroge en regardant le vide, la télévision ou l'arbre dans mon jardin, à travers la fenêtre. J'y ai récemment construit une cabane à oiseau avec mon fils pour y trouver un prétexte à passer plus de temps encore à regarde l'arbre, l'air songeur. J'inquiète parfois ma femme, qui me surprend et me demande si tout va bien. Je répond positivement, sans m'étaler.

Finalement, et c'est par le biais de mon blog et des critiques que j'y écris autour des films que je regarde qu'est venu l'envi, que dis-je le salut à ce gros tourment, un début de réponse à une question magique et insolvable.
Dans ces deux interventions, très courtes, il y avait pourtant beaucoup de chose à y déceler, à en retenir. Comment en faire la synthèse simplement, clairement, pour entendre ce qui a été dit tout en exprimant l'essence de ce qui fait, pour moi, un bon film, ou plutôt ma passion du cinéma? 

Il faudrait donc commencer, comme dirait l'autre, par le commencement.

Mettons-nous d'accord tout de suite: le cinéma, avant d'être une variété de métiers ou un catalogue de procéder technique, c'est avant tout (et d'un point de vue théorique) un ensemble de films. Plus précisément: le cinéma, c'est l'ensemble de tous les films. 

Oui, mais alors, c'est quoi film?
Ça dépend: dans la vision traditionnelle que l'on se fait d'un film, il s'agit d'un récit, d'une sommes de moments fabriqués, filmés et montés selon un ordre et une durée prédéfinis, avec un début, un milieu et une fin, autrefois sur un support argentique physique et réel, aujourd'hui contenu dans un milieu numérique, immatériel, fait de 1 et de 0 et délimité dans un ou plusieurs espaces appelés "fichiers".

Combien existe-t-il de films en tout?
Ah... vaste question existentielle dont certain pourrait affirmer qu'il est impossible d'y répondre tandis que d'autre s'essayent encore de tout cartographier, affirmant les limites en rendant justement accessible une première définition de ce qu'ils appelleraient "le Cinéma". Réactionnaires ou progressistes, ces chercheurs enferment leur conclusion dans des dictionnaire ou des encyclopédie, parfois dans des magazines à l'attention de ceux qui partagent leur avis.
Toutefois, si la question "combien de film en tout" peut paraître insoluble en l'état, on pourrait, à la manière d'un problème rationnel et scientifique, y apporter quelques éléments de réponse.
D'abord, il existe des outils pour recenser l'existence des films dans les circuit officiel d'exploitation commerciale, et depuis longtemps: le numéro du visa d'exploitation par exemple, qui permet de recenser aussi bien les films des années 20 que ceux sorties hier, avec des nuances suivant le pays et l'époque.
C'est déjà un terroir large, hyper large et officiel: les cartographes pré-citaient s'en réjouissent. Mais le cinéma, s'il se présente de cette manière comme un immense territoire culturel, c'est parce qu'il est avant tout un lieu: la salle ou se projette le film, dans l'obscurité et la solitude silencieuse, partagée.

Et puis, ensuite, il y a tout les autres films sans visa, issu de la télévision ou des circuits indépendants (voit amateur) qui ont une existence incontestable, malgré les différences qualitatives. Déjà, par ce biais-là, on peut entrevoir un cinéma qui n'est pas seulement que le produit d'une industrie à la visée commerciale ou publicitaire, mais c'est aussi un espace d'expérimentation et d'exaltation. Avec l'omniprésence des caméras, le simple film de fan (le fan-made) entre dans le champs du cinéma d'emblée, qu'on l'apprécie ou non. A l'inverse du visa d'exploitation, il n'existe aucun outil qui ne puisse permettre de recenser l'ensemble des films existant dans cette catégorie puisque la définition même de ce qui fait un film explose, n'existe plus.
Bien sûr, un tuto maquillage ou une vue webcam sur périscope ne sont pas des films! Mais tout ce qui contient un récit orienté, d'une durée de 5 secondes à 47 heures (un gag golden moustache ou une saison de série télé) peut maintenant prétendre à faire partie du paysage cinématographique.
C'est comme ça. Le cinéma, s'il était un lieu de diffusion et de réunion, devient ainsi un lieu commun: l'écran de télévision ou d'ordinateur, voir de smartphone avec des offres comme Youtube ou Netflix. On y est le plus souvent seul et dans la lumière du jour ou des lampes.

On parle beaucoup du jeux-vidéo comme une expérience cinématographique à part entière. Pour ma part, je trouve ce rapprochement faussement intéressant, car par essence le jeu vidéo c'est avant tout du gameplay, une interactivité basique entre l'homme et la machine. Tout le reste n'est que simulacre et habillage. Tu pourras mettre toutes les séquences vidéos, tout les scénarios et autres allusions cinématographique à ton jeux, ce n'est qu'un travestissement pour autre autre chose, un plaisir vidéo-ludique. Comme me le rappelait un ami justement: tu peux jouer à Metal gear solid, peut importe le degré de cinéma impliqué dans l'affaire, au final, tu te retrouve toujours à jouer à une variation du jeu snake de ton vieux smartphone Nokia. Pong si tu préfères.
Au cinéma, le spectateur reste actif, en lui-même et pour lui-même: c'est un rapport entre l'homme et l'écran, c'est extrêmement différent. Il y a de l'interactivité, mais sous une forme intellectuelle consciente ou non. Tu peux voir un mauvais film, très crétin, mais t'en souvenir des années plus tard comme d'un repère sur une époque ou une actualité. Quand tu regardes le quatrième Indiana Jones par exemple, ou le premier transformer: tu sais que le spectacle n'est pas très bon de façon intrinsèque, mais tu restes stimulé par le pourquoi de cette réflexion. Tu développes une relation au film, et la pire des situation possible, c'est ressortir d'une salle de cinéma en ressentant de l'indifférence, de l'inactivité.
En ça, par exemple, entendre parler en mal d'un film qu'on aime, ça peut réjouir: le film existe, évolue au gré du souvenir qu'on s'en fait, des discussions, parfois même au détour des critiques bidons ou des injures. Il stimule, demande à ce qu'on le travaille, qu'on l'exploite pour mieux l'enfoncer ou le défendre, et peut importe les batailles d'égo: tout ça n'est qu'un échange dont on sort à tous les coup grandit puisqu'il constitue une part indéniable de notre identité culturelle.

Voir en film, s'en souvenir, écrire à partir de celui-ci ou débattre de ses qualités: c'est justement là que réside la cinéphilie.

Être cinéphile, même si avec le temps c'est une posture qui a évolué, c'est avant tout échanger avec l'autre, ne pas garder pour soi, extérioriser son avis, ses goûts. Chaque film, bon ou mauvais, est un miroir du monde, qu'on le veuille ou non. Retour vers le futur, par exemple, c'est un témoignage sur les années 80 (et comment on voyait les années 2000 à cette époque là). C'est un document en plus d'être un film, un témoignage sur la société et la culture d'une époque. Ce témoignage, il va continuer d'exister et d'évoluer dans le temps, et aura une toute autre valeur pour un enfant des années 2010's que pour moi, qui est connu les années 80's. Le témoignage sera le même même sa valeur changera en fonction de l'interactivité, du type de spectateur qui recevra ce document.

Il existait une vieille collection de films édité par Claude Berry (les films de ma vie) et qui lui faisait dire, au début de chaque cassette et avec les mots de Fançois Truffaut: "Je n'aimerais pas voir un film pour la première fois en vidéo ou à la télévision. On voit d'abord un film en salle. Cinéma et vidéo, c'est effectivement la différence entre un livre qu'on lit et un livre qu'on consulte. Pour moi comme cinéphile ,la vidéo bouleverse ma vie .
Prenez "Sérénade à trois" de Lubitsch par exemple ,avant s'il passait quelque part, j'y allais ; Sachant que je devrais attendre peut-être deux ans avant de pouvoir le revoir. Depuis il m'arrive de le visionner trois fois dans la même semaine. Avoir un film en vidéo m'en donne une connaissance beaucoup plus intime. En tant que cinéphile ,je suis un fanatique de la vidéo."

Imagines un peu le choc: jusque dans les années 60/70, quand tu allais au cinéma, tu voyais le film une fois. Un point c'est tout. Pas de possibilité de revenir en arrière ou de revoir le film. Tu restais là, assis sur un banc ou à la table d'un café à y repenser, et c'est tout. C'est comme ça que certain spectateur se sont mis a écrire et à cultiver cette mémoire du film, de la projection comme expérience unique. La cinéphilie, c'était d'abord ça, historiquement.
Et puis imagines le choc avec l'arrivé de la télévision et des cassettes vidéos. Alors là, oui, regarder un film, ça ne voulait plus dire la même chose: on pouvait le revoir à l'envie, le décortiquer, le disséquer comme en médecine, lui faire dire des choses inédites. Aujourd'hui, à l'ère du tout numérique, je me souviens d'un des rares professeurs dont j'ai eu la chance de suivre les cours à la fac et qui disait, en somme, qu'être cinéphile aujourd'hui, ce n'est plus s’intéresser qu'a "des moments" d'un film ou pire encore, d'en faire des anthologies sous forme de best-of de plusieurs films.
Il mettait le point sur un phénomène arrivé avec le DVD et qui consistait choisir la scène qui nous avait particulièrement plu dans un film et à se la rejouer indéfiniment, indifférent au reste du film. Finalement, avec le temps, sa peur était devenu bien réelle: on ne jugerait un film bon ou mauvais que sur des moments choisi. Matrix, qui est arrivé avec le numérique, n'a longtemps été qu'une boucle d'un effet spécial (le bullet time) qui emprunté autant au jeux vidéo qu'au cinéma et qui tourné sans arrêt sur tous les écrans, dans les magasin d'électro-ménager comme dans les publicité de téléphone portable à la télé.

La cinéphilie, c'est cet échange qui permet d'argumenter et de discuter d'un film tout entier, de ses qualités intrinsèques donc, de sa porté sociologique, historique, culturelle ou de tout ce que le cinéma pourra bien dire, volontairement ou malgré lui, sur notre humanité.

J'ai des dizaines et des dizaines d'exemple de ce que pourrait-être un bon film selon moi.
Un bon film, avant tout, c'est un film qui ne se regarde, dans l'absolu, qu'une seule fois pour convaincre. Je n'ai toujours pas revu le Inglorious Basterds de Tarantino depuis qu'il est sorti au cinéma et je me souviens parfaitement de la construction du film, de l'agencement de ses séquences, de ses dialogues. C'est formidable de pouvoir concevoir un tel film de nos jours. Tout y était clair, visible. C'est un film parfaitement construit, maîtrisé de bout en bout, qui a su prendre son temps à tous les niveaux.

A l'inverse, j'ai un souvenir formidable du Lost Highway de David Lynch auquel je n'avais pourtant rien compris, si ce n'est que le film est coincé dans une boucle et que le début et la fin se répète.
Et puis lorsque le DVD est arrivé et que j'ai pu voir et revoir ce film, j'ai fais attention au détail, et au-delà de l'ambiance, sans avoir à comprendre quoique se soit au sens réel ou logique du scénario (si il y en a un d'ailleurs) j'ai réalisé que j'étais semblable au protagoniste du film, coincé dans une boucle de visionnage. D'ailleurs, le couple principal du film ne reçoit-il pas des cassettes du film lui-même, mise en abyme vertigineuse, film dans le film... C'est une qualité indéniable, sans avoir à comprendre de façon intelligible ce qu'il se passe, que de faire ressentir ce vertige, cette sensation unique n'apparaissant que de visionnage en visionnage?

Dans certain cas, cela suppose de se replonger dans les conditions de l'époque.
2001 L'odyssé de l'espace de Kubrick, par exemple. C'est un film conçu avec l'idée qu'il ne serait vu qu'une seule fois, à une époque où la télé n'a que trois chaînes en noir et blanc  et où l'homme s'apprête à marcher sur la lune. Quel sens, quel valeur prend aujourd'hui ce film?
Bon, j'y consacrerais une prochaine vidéo, c'est promis, pour répondre à cette autre interrogation...
Mais ce que l'on peut dire, c'est qu'il s'agit d'un film qui interroge l'être humain, son essence intellectuel, depuis l'aube de l'humanité jusque loin dans l'avenir spatial. On s'interroge encore sur la présence énigmatique de ce monolithe qui semble apporter l'intelligence à l'homme. Cette même intelligence que nous qualifions d'artificielle et qui anime l'ordinateur de bord du vaisseau spatial. De l'homme à la machine, l'intelligence pré-existe, y compris dans la pierre, à l'état minéral pur de la matière. Que sommes nous après tout, a part une immense quantité d'eau et un petit bout de carbone? L'intelligence, si c'est d'abord de la matière, c'est aussi ce qui rend intelligible le temps qui passe. Comme au cinéma. Voilà selon moi ce qui en fait, entre autre, un film admirable. Apprécier le temps qui passe d'une façon inédite.

Ce film a-t-il bien ou mal vieilli? Voilà encore une autre question qui mériterait qu'on s'y épanche longuement, sans justement vouloir faire l'universitaire.
J'ai déjà une réponse qui m'avait été il y a quelques années par un collègue de travail qui trouvait déjà que je prenais bien trop la tête à réfléchir à ses sujets là. Cette réponse résonne encore en moi: "peut être que c'est toi qui a mal vieilli", m'avait-il répondu.  Je pense qu'il s'agit là d'un phénomène qui définit de façon convaincante, sinon essentielle, ce qu'est la cinéphilie et le cinéma.

Parler des films entre nous, les faire vivre, leur assurer une existence qui ne soit pas celle d'un simple best-of des meilleurs scènes. J'ai d'ailleurs une règle de vie cinéphile en parlant de ça, que je vais partager avec vous pour essayer de conclure cet essai.

Il existe donc, à l’époque où l'on collectionne les films autant qu'on formule des top 5 de l'année, une facilité d'accéder à des œuvres de réalisateurs et de voir des films qui est inédite dans l'histoire du cinéma. Aussi, peut être connaissait vous se plaisir coupable d'aimer un film tellement fort qu'on veut à tout prix le montrer à ceux qui ne l'on pas vu. Quelle joie par exemple de montrer Robocop à ma chérie car c'est une façon de revoir le film à travers ses yeux, en m'identifiant à elle, en goûtant chacune de ses réactions. Quand on a vu Heat et que tout le monde l'a vu et revu, n'est-il pas merveilleux de croiser quelqu'un qui ne connaît pas le film et de l'envier lorsqu'il s'apprête à le découvrir? Je dis souvent à mon pote Garth que je n'ai toujours pas vu Le dernier des Mohicans, et il ne comprend pas, aillant le film en DVD, pourquoi je ne l'ai pas encore regardé.
Et bien voici mon conseil: si il a encore quelques films que vous n'avez pas vu, que vous possédez peut être, qui prennent la poussière dans une boîte, sur une étagère ou dans le grenier, si jamais il s'agit en plus d'un film d'un réalisateur que vous admirez, un John Cassavettes ou un Alain Resnais dans mon cas, faites en sorte de le gardez précieusement en vu. La possibilité d'un "bon film", c'est un peu comme retourner en enfance, retrouver un membre de sa famille qu'on croyait perdu. Cette perspective du bon film, c'est une petite part de notre histoire intime qui attend d'être écrite.

Un bon film, c'est comme un bon souvenir: il faut le vivre, le laisser partir, le laisser revenir, le donner, le partager et comprendre qu'on a vieilli, qu'il est devenu précieux, qu'il s'est perdu, qu'il est unique.